Le 21 juin dernier, la journaliste Lucie Ronfaut et la chercheuse Marion Coville étaient au festival Futur.e.s à Paris pour discuter des enjeux de la Menstrutech – nom qu’a donné Lucie aux technologies liées aux règles et au cycle menstruel. Si la situation n’a pas beaucoup changé depuis l’état des lieux qu’elle en avait fait pour la newsletter il y a quelques mois (relire son article), la conférence a permis de mettre le doigt sur deux problématiques complémentaires.
La première, c’est celle des données personnelles : si elles sont en général anonymisées à des fins de recherche scientifique et médicale (comme le fait par exemple Clue), on ne sait toujours pas vraiment comment elles sont utilisées ni quels sont les algorithmes employés pour prédire notre cycle. Quand elle a voulu récupérer les données qu’elle avait fournies à ces apps pour tenter de les analyser elle-même, Marion s’est rendu compte qu’il était impossible de les télécharger (sous forme de fichier .csv par exemple) : on fournit des informations sur son cycle gratuitement pour la recherche mais il est tout simplement impossible de se les approprier.
Le deuxième problème soulevé par Lucie et Marion est directement lié au premier : ce sont donc les utilisatrices qui fournissent des données pour la recherche médicale, mais qui sont-elles ? Bingo : des personnes qui utilisent un smartphone, soit une population plutôt vingtenaire et trentenaire, privilégiée et résidant dans des pays riches. De plus, la plupart des apps de suivi de cycle menstruel sont très hétéronormées – il suffit de regarder les conseils sexo qui y sont promulgués. Le cadre imposé par ces applications est donc assez rigide et ne permet en général pas non plus de tracker des cycles irréguliers ou des douleurs telles que celles qui peuvent être provoquées par une endométriose, qui sont loin de se limiter à l’utérus. La conséquence de tout ça, c’est que les données issues de ces apps sont très orientées, et on est en droit de se demander quelles conséquences cela aura sur la recherche dans les années à venir.
Préoccupé.e.s par ces questions, certain.e.s développeur.se.s travaillent sur des applications de suivi de cycle plus transparentes et open source. C’est par exemple le cas de Periodical, dont le code est disponible sous licence libre sur GitHub et que l’on peut réutiliser et modifier à loisir. À nous de jouer !