Nous voulons plus d’avortements

L’interruption volontaire de grossesse (IVG), ou avortement, a dans le passé, permis au féminisme de se constituer comme mouvement politique. En affirmant leur droit à l’IVG, les femmes ont revendiqué leur droit à disposer librement de leurs corps mais aussi refusé, au moins temporairement, l’injonction à endosser le rôle de mère qu’on nous assigne constamment.

Toutefois, le contrôle de la fertilité et du corps ne s’exerce pas de la même façon sur toutes. La stérilisation, souvent refusée aux femmes qui en font la demande, reste obligatoire dans les processus de transition. De même, les femmes réunionnaises ont été victimes de stérilisation forcéeet d’une politique de contrôle de la natalité. Aujourd’hui encore, les témoignages sont nombreux : le racisme empreint la prise en charge médicale des femmes racisées, notamment sur les questions obstétriques.

Il aura fallu des années de lutte avant que la loi Veil soit finalement adoptée, en 1975. On a alors vu l’IVG sortir de la clandestinité et s’institutionnaliser. Qu’y avons-nous gagné ?

Dans Regarde, elle a les yeux grand ouverts, les féministes du MLAC Aix-Marseille se posent la question, au lendemain de l’adoption de la loi : faut-il continuer la pratique de l’avortement par des militantes ? Bien sûr, avorter gratuitement à l’hôpital entouré.e de médecins semble préférable à avorter clandestinement en payant une fortune pour voir une inconnue enfoncer une aiguille dans son utérus. Pour autant, nous sommes nombreuses à juger insatisfaisante la prise en charge des IVG : difficulté à trouver un médecin ou un centre qui la pratique, délais trop longs, culpabilisation, maltraitance. À quel point la récupération de l’IVG par le corps médical est-elle une avancée pour les femmes ? Loin du cliché de l’aiguille, on sait que les militantes avaient mis au point des techniques d’avortement efficaces et sans risque qui s’accompagnaient d’une prise en charge collective et bienveillante des avortantes. À l’heure où l’on commence à entendre les voix des femmes qui souhaitent pouvoir choisir leur accouchement, pourquoi ne pas mettre sur le même plan les revendications concernant l’IVG ? Nous voulons nous sentir respecté.e.s, recevoir des informations complètes sans culpabilisation, chez nous ou à l’hôpital, dignement, confortablement, choisir ce que l’on veut pour nous, que ce soit pour avorter ou pour accoucher.

À l’étranger, les Américaines sont mises en danger par la politique réactionnaire du nouveau président Trump et l’année dernière, il a fallu soutenir les Polonaises, elles aussi menacées. Mais en France également, entre l’extrême-droite qui promet le déremboursement et le spectre du démantèlement de la sécurité sociale, nous n’en avons pas fini de lutter pour nos IVG !