Rejet de notre projet « Respect d’autrui, connaissance de soi : parler corps à l’école »

Ami.e.s des Flux, l’association a porté dans le cadre du budget participatif de la ville de Paris un projet dénommé « Respect d’autrui, connaissance de soi : parler corps à l’école ». Ce projet est parti d’un constat : l’éducation aux corps, pourtant obligatoire en vertu du code de l’éducation, n’est pas assurée par les enseignant.es de maternelle et d’élémentaire à part un bref survol anatomique. Fortes de notre expérience d’animation de groupes de parole, tant au sujet de l’autogynécologie que de la grossesse, de l’accouchement et de la parentalité, nous avons souhaité construire des interventions bénévoles auprès des élèves du premier degré. Nous avons longuement réfléchi à ces interventions, pour lesquelles nous avons construit une trame et des questions types, et c’est en construisant ces ateliers que s’est posée la question du matériel nécessaire. Il n’existe à ce jour aucun modèle anatomique d’enfant manipulable par eux. C’est ce constat qui a motivé notre demande, à la suite du contact que nous avions pris avec une société parisienne, spécialisée dans la conception et l’impression 3D médicale, pour étudier le coût de la construction de tels modèles et sa faisabilité. Après un échange encourageant, s’inscrivant dans la continuité du travail engagé, avec des agentes de la Mairie de Paris, nous avons été stupéfaites de recevoir le mail suivant (cf photo). La réponse que nous avons apportée ce jour à ce refus est reproduite ci-dessous et vaut communiqué de presse.

Pour rappel, voici le projet déposé.

Bonjour,

C’est avec stupéfaction, et une immense déception, que nous avons appris le refus de la Marie de Paris de porter notre projet « Respect d’autrui, connaissance de soi : parler corps à l’école » au budget participatif. Plus qu’un refus, les raisons invoquées sont un camouflet pour le travail mené par notre association et ses bénévoles et le temps que nous avons passé à nous former sur le terrain, à construire ce projet et à présenter en visioconférence pendant une heure le projet aux deux agentes de la Mairie qui ont souhaité avoir plus d’information.

Le projet proposé indiquait, dans la limite des caractères imposés, que « Pour apprendre à dire non, pour comprendre l’essence du consentement, il est nécessaire de connaître son corps. Ce respect de l’intégrité physique, la sienne et celle des autres, concourt à l’égalité filles-garçons puis femmes-hommes, un enjeu majeur dès l’école maternelle. L’éducation au corps est l’affaire de tous et s’adosse à l’éducation à la santé. Dans le premier degré (écoles maternelles et primaires), il existe peu de modules dédiés à ce sujet précis. La « quinzaine du non », en place dans certaines écoles, ne le couvre que partiellement. L’association Les Flux propose des ateliers de Connaissance du corps et a élaboré un projet d’intervention en milieu scolaire auprès des élèves de 3 à 11 ans. Ces ateliers s’inscrivent dans le cadre de l’article L312-16 du code de l’éducation en parlant du corps, de comment le respecter et d’avoir, dès la petite enfance, les clefs pour en parler. Or, il n’existe aucun modèle anatomique adapté aux enfant. Le présent projet a pour but de financer le matériel pédagogique (modèles anatomique 3D, supports avec pictogrammes, jeux, imprimante portative, pâte à modeler) utilisé lors des ateliers, notamment à destination d’un public non lecteur. ». Le budget demandé et documenté était de 17 874 €, soit très modique par rapport à l’ensemble des projets soumis in fine au vote.

Vous indiquez que l’association n’est pas en contact avec l’Education nationale : c’est faux, nous vous avons exposé que, reposant sur des bases bénévoles, le projet n’avait pas vocation à être traduit dans toutes les classes de France et de Navarre en même temps mais bien à s’articuler dans le cadre de projets pédagogiques d’écoles volontaires, et donc à faire l’objet d’un développement au fil du temps. Nous avons également indiqué que nous étions en contact avec des enseignantes de Paris centre (et avons nommé l’école lors de l’entretien) qui étaient très enthousiastes et constataient leur difficulté à parler de ces sujets, faute de temps et de formations adéquates. Depuis, ces mêmes personnes nous ont demandé en juin dernier de pouvoir intervenir dans leurs classes, ce que nous avons refusé en attendant la réponse dans le cadre du budget participatif. Enfin, nous vous avons indiqué que nous limitions pour l’instant nos démarches auprès des écoles puisqu’en l’absence de modèle anatomique, les interventions proposées sont en partie vidées de leur objet.

Vous indiquez que l’association n’est pas en contact avec les professionnels de santé adéquats et que les modèles anatomiques n’ont pas reçu la validation d’experts. Nous vous avons indiqué lors de la visio la société avec laquelle nous avions pris contact et avec qui nous avons eu plusieurs échanges. Nous avons mis en lien le nom de la société qui est une « Medtech française spécialisée dans la conception et l’impression 3D médicale, au service des personnels soignants ». Nous vous avons expliqué la façon dont ils fonctionnaient. Nous avons enfin souligné que cette société a travaillé avec la Maison des Femmes pour fournir des modèles 3D dans le cadre de groupes dont l’objet est la reconstruction vulvaire après excision. Nous avons averti cette société de votre refus mais leur communiquons ce mail dans son intégralité.

Vous indiquez qu’il s’agit d’un sujet complexe dont les enseignements sont déjà prévus dans le code de l’éducation et dans le cadre d’une politique nationale. Vous avez raison, le code de l’éducation le prévoit, nous l’avons d’ailleurs souligné dans les quelques caractères alloués à la description du projet. Le constat selon lequel cette disposition n’était soit pas appliquée, soit l’était de manière résiduelle, a conduit à la construction de ce projet. 

Vous indiquez enfin que l’association précise ne pas disposer de budget de fonctionnementnécessaire à l’animation des ateliers. Nous vous avons clairement indiqué que nous sommes des bénévoles et que dès lors il n’y a pas lieu d’avoir de budget de fonctionnement. Nous ne sommes ni payées pour notre travail militant, ni pour notre travail maternel en éduquant nos enfants au corps et au consentement lorsque cela n’est pas fait à l’école, et nous ne désirons pas l’être.

À l’heure où Le Monde publie, le 1er septembre 2022, cet article, où les publications de sociologues constatent la lacune des questions de genre à l’école et le défaut de formation des enseignant‧es sur ces sujets (cf par exemple La Déferlante, « L’École se moque-t-elle des questions de genre ? », par Alix Bayle, 2 septembre 2022), la réponse de la Ville de Paris, plus qu’elle ne nous déçoit, nous inquiète car elle témoigne d’une véritable posture à l’égard de ces questions et de la capacité du tissu militant à les porter.

Cordialement,

Les Flux