J’ai rencontré Nina lors d’une soirée organisée par Pour une M.E.U.F et j’ai d’abord été absolument séduite par son sens de la répartie. C’est une qualité qu’on retrouve dans son documentaire Paye (pas) ton gynéco, sur la maltraitance gynécologique. C’est surtout une qualité qu’on devine indispensable face aux gynécologues qui se plaignent d’être injustement dénigrés ou expliquent doctement que non, le toucher vaginal n’est pas un acte invasif. Paye (pas) ton gynéco a le mérite de mettre en lumière à la fois les violences que subissent les patient·e·s en gynécologie et la banalisation qu’en font les médecins. Nina a bien voulu nous raconter en quelques mots son travail.
Vous pouvez encore participer au financement du court-métrage ici.
Est-ce que tu peux nous parler rapidement de ton travail et de tes projets précédents/parallèles ?
Je suis réalisatrice de documentaires. Je prépare actuellement un long-métrage sur le plaisir féminin et je fais partie du collectif qui actualise Notre corps, nous-mêmes, un manuel féministe historique. J’ai réalisé plusieurs courts-métrages sur le travail précaire (Rien à foutre, Dans la boîte), et je travaille avec l’équipe de Pierre Carles, Annie Gonzalez et C-P Productions depuis plusieurs années. Nous avons notamment réalisé Hollande, DSK, etc. un film sur le traitement médiatique de la campagne présidentielle de 2012, et Opération Correa 1 et 2, une série documentaire dans laquelle nous cherchions en Équateur la possibilité d’une alternative au libéralisme.
Est-ce qu’il y a un élément déclencheur à ton envie de faire ce travail sur la gynécologie ?
Mon gynéco me sortait souvent des énormités, dont une des pires a été de me dire que si j’avais souvent des mycoses, ce devait être lié à la taille du sexe de mon partenaire et que je n’avais qu’à sortir avec un asiatique (véridique). C’est le même qui a maltraité ma colocataire quelque temps plus tard, comme c’est raconté dans le film. Aussi, quand est sorti le #payetonuterus et que des milliers de femmes, hétérosexuelles, lesbiennes, de personnes trans ont pris la parole à propos des remarques déplacées, des gestes brusques et des agressions subies, j’ai pris conscience de l’ampleur du problème. En fait ce n’est pas qu’une question d’individu, il y a une construction systémique qui autorise la maltraitance, la violence et le mépris de la douleur des femmes.
C’est ce cheminement personnel que j’ai eu envie de retranscrire dans le film, à partir de mon expérience de patiente, justement pour inverser le point de vue. J’ai voulu aller interviewer les représentants des gynécologues pour savoir ce qu’ils comptaient faire pour que les violences s’arrêtent (spoiler : rien).
Quelle suite tu imagines au documentaire que tu as déjà mis en ligne ?
Qu’il amène des éléments dans le débat avec la sortie du rapport du Haut Conseil à l’Egalité femmes-hommes sur les violences gynécologiques ;
Qu’il mette des images sur des choses qu’on n’a pas l’habitude de voir ;
Qu’il soit un point de départ à un travail approfondi sur les alternatives en gynécologie et les « bonnes pratiques », ainsi que sur l’héritage patriarcal de la médecine ;
Et que des gens qui défendent les agresseurs sexuels ne puissent pas être présidents d’organisations de gynécologues, comme c’est le cas actuellement et comme nous le montrons dans le documentaire.