Les injonctions qui pèsent sur le corps des femmes sont nombreuses et pleines de contradictions ; tenues à être minces mais gourmandes, toniques mais pas trop musclées, sexy mais pas vulgaires. Par-dessus tout, nous nous devons d’être pudiques et de préserver notre entourage des manifestations physiologiques de notre organisme : vous le savez, les femmes ne défèquent pas, urinent en silence, nos flatulences sentent la rose et notre sang menstruel est bleu ! La discrétion imposée aux femmes est si entérinée qu’on hésite à demander un tampon à notre collègue ou à expliquer à nos ami.e.s qu’on se tord de douleur parce qu’on a nos règles. Plus grave encore, la mise sous silence s’accompagne d’une confiscation des savoirs et des savoir-faire. Sorcières, infirmières, sages-femmes : brûlées, soumises aux médecins, méprisées. Quelles connaissances les femmes peuvent-elles encore se transmettre entre mères et filles, entre pairs ? Quelques avertissements, beaucoup de légendes, un peu de réconfort parfois.
Des tentatives de reconquête de ce savoir sur nos propres corps ont existé. Dans la lutte féministe pour l’accès à la contraception et la légalisation de l’avortement dans les années 70 notamment, des femmes ont appris et même innové en matière de gynécologie : groupes de paroles, ateliers d’auto-examen, pratique de l’avortement collectif. Aujourd’hui en Espagne, le collectif Gynepunk travaille aussi ces questions : elles ont monté un laboratoire d’analyses biologiques, elles renomment des organes, elles mettent au point un modèle de spéculum à imprimer en 3D. En France, des initiatives collectives ou individuelles naissent : groupes d’auto-examen « Mate ta chatte » ponctuels, éducation sexuelle où l’on modèle des vulves, blogs (Passion Menstrues), revues (dernier numéro de Z), podcasts (épisode des Nouvelles Vagues consacré au corps des femmes), cabinet ambulant du DocteurE Duchesne aka Poussy Draama… je ne pourrais pas être exhaustive.
Et nous, alors ? Nous décidons de nous réunir lors d’ateliers d’auto-gynécologie. Se réunir entre femmes (et personnes ayant des vagins) et parler de ce qui est réservé aux médecins, en soi, c’est faire résistance et braver des interdits : celui de la pudeur, celui du respect de l’ordre médical, celui de la valeur qu’on attribue à nos problèmes de « bonnes femmes ». C’est aussi l’occasion de se reconnaître parmi les témoignages des autres et de prendre conscience du caractère systémique des violences qui sont exercées à notre encontre. Enfin, ces groupes de parole permettent de renouer avec notre corps, de l’observer d’un œil nouveau, de comprendre ce qui nous arrive, d’échanger des astuces, aussi, pour soulager nos maux.
Quelques mots des participant.e.s
Enthousiasmant et libérateur, un atelier où on rencontre, on écoute, on apprend et on parle de chatte, tout en simplicité, en confiance et avec passion.
Discuter avec d’autres permet de réexaminer son expérience et de mieux comprendre des épisodes désagréables ou culpabilisants.
L’atelier Parle à ma chatte, c’est la sororité qui fait du bien, c’est un éclairage passionnant et vivifiant sur ce thème si familier et si méconnu, c’est un partage d’expériences et une réappropriation de nos côtés… chatoyants !
Replacer dans un tout (notre corps) l’utérus et l’appareil génital, pour mieux se comprendre et apprivoiser notre chatte.
Parle à ma chatte : à mes tripes, à mes vies, à mes sœurs !