Un podcast qui interroge le désir ou le non-désir de maternité
Bliss, La Matrescence, Le Nid… Les podcasts sur la maternité, la grossesse et l’accouchement sont de plus en plus nombreux. Quelque fois, mais rarement, ils donnent aussi l’occasion à des femmes de parler du fait qu’elles n’ont pas envie d’avoir d’enfant, d’être mères. Malgré tout, il arrive peu souvent qu’un véritable dialogue s’instaure et que le désir et le non-désir de maternité soient examinés au même titre et dans un même espace. Plus rares encore sont les podcasts qui donnent la parole exclusivement aux femmes noires. C’est ce que propose Tant que je serai noire. J’ai eu envie de poser des questions à son autrice pour mieux comprendre son projet et vous donner envie d’aller écouter tous les épisodes !
Qui es-tu ?
Je m’appelle Tsippora et je ne souhaite pas avoir d’enfant. J’ai lancé le podcast Tant que je serai noire pour avoir l’opportunité de discuter avec des femmes dans la même situation que moi, mais aussi avec des femmes qui sont mères ou souhaitent le devenir. Le podcast me permet d’avoir une conversation intime avec ces femmes et de donner à entendre leurs voix, au sens propre comme figuré. Il fait aussi écho à la tradition orale propre à nos cultures afro-descendantes.
Pourquoi tes invitées sont-elles exclusivement des femmes noires ?
C’est une question importante. On reconnaît de plus en plus facilement qu’il peut être pertinent et intéressant d’avoir des espaces en non-mixité de femmes pour partager nos expériences. Je pense que c’est la même chose pour les femmes noires, qui vivent l’intersection du sexisme et du racisme, qu’on appelle aussi la misogynoir. Les femmes noires ont des histoires propres à raconter, et le rapport à la maternité est différent de celui des autres femmes.
La santé maternelle des femmes noires est une problématique très peu abordée en France. À part le mémoire de Priscille Sauvegrain, il existe malheureusement peu d’études, mais sachez qu’une femme noire à plus de “chances” de subir une césarienne qu’une femme blanche, et que les douleurs d’une femme noire vont être tout de suite assimilées au syndrome méditerranéen (la croyance raciste que les personnes racisées ont une expression de la douleur différente, qu’elles “exagèrent”, et qui conduit les soignant.e.s à négliger, voire maltraiter leurs patient.e.s).
Élever un enfant noir implique de lui expliquer le racisme auquel il devra faire face à l’école, au travail, dans la rue face aux policiers.
À ton avis, pourquoi les questions de transmission reviennent si souvent dans les témoignages de tes invitées ?
C’est drôle comme question parce que cela fera l’objet de la conversation avec ma prochaine invitée. Il me semble que pour les personnes ou les couples, comme pour certains de nos parents qui sont arrivés en France, un des moyens de construire une communauté qui nous ressemble a été de faire des enfants et de faire famille. Dans le même temps, pour les générations suivantes comme la nôtre, le poids de devoir transmettre une histoire et une culture peut être compliqué : transmettre la langue maternelle de nos parents à nos enfants alors que nos parents eux-mêmes ne nous l’ont pas transmise par peur que nous ne soyons pas assez intégré.e.s en France est un challenge.
Les références culturelles, musicales ou littéraires, sont nombreuses dans le podcast. Qu’est-ce que ça représente pour toi ?
J’ai toujours eu un intérêt pour le rôle et la place des arts visuels et des expressions artistiques et culturelles dans le champ du politique. Faire famille peut être un sujet politique, demander plus de visibilité et de représentativité est un acte politique. Du coup, je constate que pour nous, Noir.e.s de France longtemps invisibilisé.e.s dans les médias mainstream, les Afro-américain.e.s étaient et restent notre référence au cinéma. La fiction, les artistes nous permettent d’avoir des exemples. Concernant les schémas de maternité, j’en ai beaucoup trouvé au cinéma et dans les séries, notamment dans Being Mary Jane, Nola Darling, How To Get Away With Murder…
Quelles sont les ressources que tu recommandes ?
À lire
Françoise Vergès, Le Ventre des femmes
bell hooks, Ne suis-je pas une femme ?
Diariatou Kebe, Maman noire et invisible
Alana Apfel, Donner Naissance
Patricia Hills Collins, La Pensée féministe noire
À regarder
Little Fires Everywhere (Hulu)
À écouter
Orèma
Les enfants du bruit et de l’odeur
À suivre
Le compte Instagram @mamans_noires
Le dernier épisode de la saison 1 de Tant que je serai noire sortira en juillet et la saison 2 commencera en septembre 2020 et sera enregistrée en studio pour encore mieux honorer les histoires des invitées.