C’est quoi une doula ?

cluny à la journée des doulas

En mai dernier, j’ai été conviée à la Journée des doulas pour parler d’autogynécologie. Quand j’ai commencé à m’intéresser au self-help en gynécologie j’ai rapidement rencontré le terme de « doula », notamment dans des textes américains mais aussi en France, lors de la mobilisation contre les violences gynécologiques.

Sur le site de Doulas de France, on trouve un historique du mot « doula ». Bien que cette fonction soit endossée depuis bien longtemps par des femmes, le mot est relativement récent. Il désigne une ou plusieurs femmes, elles-mêmes mères, venant soutenir la femme dans les tâches domestiques pendant la grossesse et après la naissance. Le mot est utilisé à partir des années 1980 aux États-Unis pour désigner les personnes qui offrent un soutien aux mères, pour l’accouchement et l’allaitement notamment. Il est également utilisé dans le cadre de l’accompagnement de la fin de vie. En France, c’est seulement dans les années 2000 que des femmes, formées principalement à l’étranger, se retrouvent et se fédèrent autour de cette pratique.

En mars 2017, Marjorie Roux, doula depuis 2016, avait notamment organisé une soirée débat à ce sujet avec Mélanie Déchalotte et Martin Winckler. Aukan, de l’équipe des Flux, en était revenue enthousiasmée des rencontres qu’elle y avait faites. Pourtant, les doulas étaient toujours associées dans mon esprit à un féminisme très essentialiste, incarné par la figure un peu vieillotte d’une femme qui place la maternité au cœur de l’existence de toutes les femmes. Le cliché en a pris un coup lorsque j’ai assisté, le jour de ma prise de parole, à l’intervention très riche de deux doulas abordant explicitement les questions d’avortement, de transidentité, de familles queer et de racisme pour les intégrer à leur pratique.

C’est parce que je me suis finalement sentie particulièrement à ma place au cours de ces quelques heures passées à la Journée des doulas que j’ai eu envie de m’entretenir plus longuement avec Marjorie pour vous présenter cette activité. “Le métier de doula consiste à accompagner et à soutenir émotionnellement la femme et son entourage proche pendant la grossesse, durant l’accouchement et au retour à la maison”, m’explique-t-elle. La doula écoute et partage beaucoup de sujets intimes, est là pour soutenir les femmes et les couples, les aider à appréhender la grossesse, l’accouchement et l’arrivée d’un bébé mais aussi parfois pour les aider à se remettre d’une expérience traumatisante. Elle apporte de l’information et sème des graines pour aborder ces événements de la façon la plus positive possible et autrement que sous la forme ultra-médicalisée que peuvent nous proposer les professionnel.le.s de santé hospitalier.ère.s.

Les doulas proposent donc un accompagnement non-médical, elles ne font pas de diagnostic, ne dispensent pas de soins et ne sont que très rarement admises en salle de naissance (alors qu’elles pourraient être une solution au manque de moyens et d’accompagnement à l’hôpital). Évidemment, mon approche ancrée dans le self-help m’a poussée à m’interroger : pourquoi ce rôle de soutien ne pourrait-il pas être tenu par la famille et les proches, pourquoi faut-il le professionnaliser ? Selon Marjorie, aujourd’hui les femmes ne sont jamais autant isolées, du fait des politiques de congés maternité, paternité et parental, que lorsqu’elles sont enceintes ou très jeunes mères, et c’est face à cette demande des mères et des couples que les doulas se sont organisées.

Marjorie est devenue doula suite à la naissance de ses filles, quand sa propre expérience et ses lectures (Martin Winckler notamment) l’ont sensibilisée au bouleversement que représentait la venue d’un enfant et les violences petites ou grandes auxquelles sont confrontées les femmes dans le milieu hospitalier. Cela a allumé chez elle une petite flamme militante lui donnant envie de permettre à chacun.e de connaître ses droits, de faire de vrais choix et de s’armer face aux violences gynécologiques, dans un esprit de sororité et de transmission.

Pour autant toutes les doulas n’ont pas la même approche de cette profession et ce n’est pas le militantisme que Marjorie met au cœur de son accompagnement. Il ne s’agit pas d’effrayer les futurs parents mais de les informer au mieux, il ne s’agit pas de partir en guerre au risque de rompre le lien entre les professionnel.le.s de santé et les couples en salle de naissance et il est parfois nécessaire de mettre le militantisme en sourdine et de faire la différence entre accompagnement et engagement théorique. Toutes les doulas ne mettent pas non plus au centre de leur approche homoparentalité, IVG ou PMA bien que ces sujets aient été abordés lors de la Journée des doulas.

Il existe une charte encadrant les pratiques des doulas, signée par les membres de l’association Doulas de France dont fait partie Marjorie, mais les doulas formées à l’étranger ou ne voulant pas respecter cette charte ne sont pas tenues de la signer et de la respecter. Le respect de cette charte a toutefois pour but de contribuer à l’acceptation du métier des doulas, à faire reconnaître leur formation, leurs compétences et leur rémunération, afin que leurs revendications (notamment au sujet de l’accompagnement en salle de naissance) soient entendues et reconnues par les pouvoirs publics. Les femmes ayant signé cette charte figurent dans l’annuaire de l’association Doulas de France, mais grâce au bouche-à-oreille vous pourrez entendre parler d’autres professionnelles compétentes.

Contrairement aux idées reçues, faire appel à une doula n’est pas réservé qu’à un public de privilégié.e.s. Femmes qui veulent un accompagnement particulier, couples déçus par un premier suivi, familles aisées ou qui n’ont pas un rond, l’accompagnement par une doula est accessible à tou.te.s et parfois moins coûteux que l’achat d’une poussette dernier cri pas forcément indispensable. Les doulas proposent des tarifs adaptés, peuvent accepter du troc ou d’être payées une fois que le couple a reçu l’allocation naissance. Marjorie propose à certains couples des tarifs plus élevés et cela lui permet de suivre d’autres couples pour moins cher. De plus, la possibilité de rémunérer votre doula en chèques emploi-service permet des abattements d’impôts et rend ce suivi plus accessible.

J’ai voulu clore cet entretien en demandant à Marjorie quelle était selon elle la cohérence entre mon intervention concernant le self-help  et le métier de doula. Elle m’a répondu sans hésitation : “Ça coule de source car le métier de doula comme le self-help et l’autogynécologie ouvrent les portes de la reprise du pouvoir sur soi-même.” C’est un point de vue que je rejoins et un beau programme qui nous attend !

Marjorie Roux et Cluny, édité par Nirnou